Inauguration de la fresque Aimé Césaire dans le cadre des commémorations de la mémoire de l’esclavage
Samedi 21 mai avait lieu à Mont-Saint-Martin l’inauguration de la fresque Aimé Césaire, dans le cadre des commémorations de la mémoire de l’esclavage.
Après 2 ans de crise sanitaire, cette fresque peinte par Nicolas Venzi durant l’été 2020, a pu être inaugurée par Serge De Carli, Maire de Mont-saint-Martin et Brigitte Bessich, adjointe à la culture, fêtes et cérémonies, droits des femmes, associations. Pour ces réjouissances dans l’enceinte du parc municipal et au sein de l’Espace Aimé Césaire : de la culture, de la musique, des danses, des textes lus, contés, chantés… sous le soleil d’un magnifique samedi.
Les spectacles étaient gérés par CO.Productions : l’occasion pour la ville de féliciter sa directrice Christiane Olivier. Valer’Egouy, artiste martiniquais a présenté « Ces aires de négritude », un spectacle de lecture expressive des textes d’Aimé Césaire dans lequel il intervenait avec Colette Maillard (lecture), Lucie Anceau et Alfred Alerte (danseurs, chorégraphes) et René Maillard (musicien). Après le vin d’honneur offert par la ville, en soirée, Sophie Clerfayt a interprété « Perles de liberté », Un récit d’esclavage et de résistance au Brésil ponctué de danses et de chants.
Discours de M. Serge De Carli :
« Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
3, c’est le nombre d’années qui se sont presque écoulées depuis l’inauguration de l’espace Aimé Césaire. C’était le 28 septembre 2019.
Dans un monde sans masque, sans distanciation sociale, sans COVID, il y a 3 ans, nous étions réunis ensemble au même endroit pour inaugurer ce que j’avais nommé un grand bonheur : l’espace Aimé Césaire.
3 années, c’est le temps qu’il nous avait fallu pour arriver au terme des travaux de réhabilitation après un engagement sans faille porté à la fois par le monde des collectivités locales et par celui du monde des entreprises et dont le résultat est sous vos yeux……
Un espace très lumineux de 646 m2 de plancher dont 384 m2 pour la salle et les sanitaires, de 196 m2 pour l’espace cuisine, de 65 m2 pour la salle d’activités réhabilitée à l’étage, ouvert vers l’extérieur, et offrant sur le parc municipal et sur son plan d’eau une vue imprenable.
2, c’est,désormais, le nombre d’œuvres qui donnent vie au nom de baptême de cet espace, qui je le rappelle avait été adopté à l’unanimité par le Conseil Municipal de Mont-Saint-Martin.
Aimé Césaire vous accueille déjà, dès la porte d’entrée, avec une magnifique œuvre réalisée par l’artiste, Nicolas VENZI, aidé dans sa tâche par sa fille Lilli et son assistante, Carole WILMET. Et maintenant, il est visible aux yeux de tous, passant boulevard de Metz, et traversant la ville.
Je veux les remercier pour le résultat obtenu qui vient sublimer ce magnifique espace.
« C’est quoi une vie d’homme ? C’est le combat de l’ombre et de la lumière…
C’est une lutte entre l’espoir et le désespoir, entre la lucidité et la ferveur…
Je suis du côté de l’espérance, mais d’une espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté. »
Par ces quelques mots, Aimé Césaire se livre et n’a jamais cessé, de son adolescence à sa mort, en 2008, à 95 ans, d’être concrètement, à la fois, constructeur et adepte de l’espérance conquise.
Au moment où la pensée, où le rêve et la raison sont en danger, au moment où le 21ème siècle naissant connaît des apogées du fanatisme, du bâclage et de la médiocrité, le conseil municipal de Mont-Saint-Martin, en donnant à cet espace le superbe nom d’Aimé Césaire, a fait un beau cadeau de pensée à la population.
Il est bon qu’aujourd’hui, le nom et le visage d’Aimé Césaire soient gravés dans la pierre d’une ville qui témoigne de ce que peut être le vivre ensemble de personnes venant pourtant d’horizons éloignés.
A l’heure où les dérives identitaires égarent tant les esprits, à l’heure où les discours les plus douteux tentent de donner un second souffle aux idéologies racistes qu’on croyait périmées pour toujours, je suis heureux, et fier, de saluer l’éclatante mémoire d’Aimé Césaire.
Poète, militant, élu, chantre de la négritude, l’homme a marqué son époque dans bien des domaines. Il arrive en France en 1931 au lycée Louis le Grand. Le petit boursier devient bientôt agrégé dans la mère « Patrie ». C’est à cette période qu’il se lie d’amitié avec Léopold Sedar Senghor, futur Président de la République du Sénégal. Il rentre en Martinique en 1939.
Sa longévité politique laisse rêveur : maire de Fort de France de 1945 à 2001, soit 56 ans, membre des 2 assemblées constituantes (1945-1946) puis député de 1946 à 1993, soit 48 ans, conseiller général de 1965 à 1970, président du conseil régional de 1983 à 1988. ,
Héritant, en 1945, d’une ville en déshérence, devant faire face à la poussée démographique de l’après seconde guerre mondiale, il a construit sans relâche, hôpital, centaines de logements décents en remplacement de bidonvilles. Il a aussi impulsé une grande politique culturelle, mettant, par exemple, en place l’outil du parc floral et culturel dans une caserne délaissée, qualifiée par François Mitterrand, lors d’un voyage en Martinique, de « ruche bourdonnante ».
Tout cela, il l’a mené à bien en continuant son œuvre de poète et d’homme de théâtre, révolté permanent, rebelle écrivant pour tous les affamés du monde, poète de la prise de conscience, ciselant les mots, des mots parfois durs, des mots de sang et de larmes, dès qu’il s’agit d’affranchir une condition inadmissible d’esclave, lui dont son père, petit fonctionnaire, disait : « Quand Aimé parle, la grammaire française sourit. ».
Il nous dit combien le Dire et le Faire sont important comme socle de toute politique de progrès.
En politique, il fut, toute sa vie, un homme engagé, progressiste acharné, anticolonialiste véhément, mais un homme libre n’ayant jamais eu, tout à fait, ce que l’on appelle l’esprit de parti.
Avec ses amis et frères, Léon-Gontran DAMAS et l’aîné, Léopold Sédar Senghor, co-fondateurs du mouvement de la négritude, Aimé Césaire fut l’écrivain du bout de notre monde, lui, qui, par ses propos, par ses écrits, par son théâtre tragique, nous a rendu sensibles à un pan méprisé de la condition humaine.
Le message testamentaire qu’il nous livre interpelle particulièrement en ces moments tourmentés, en France, en Europe…… Aimé Césaire nous fait prendre conscience que, par l’histoire, par la richesse des migrations, par le partage d’une même langue, nous avons eu la chance, enfants d’ici et d’ailleurs, de faire humanité ensemble.
Nous sommes le 21 mai, demain 22 mai, pour la Martinique est un jour particulier, un jour important qui se veut fêter nationale pour faire mémoire des combats ayant mené à l’abolition de l’esclavage.
Cette inauguration à la mémoire et en hommage à Aimé Césaire n’en a que plus de force !
Au nom du conseil municipal de Mont-Saint-Martin, au nom de la population Saint-Martinoise rassemblée dans sa diversité, en mon nom personnel, je suis à la fois, heureux, fier, honoré, ému d’accueillir sur cette ville d’accueil et de brassage, « le meilleur des fils de la Martinique », Aimé Césaire ! »
Galerie Photo
* Logos, visuels, images, photos, textes : © tous droits réservés