Cérémonies du 63ème anniversaire du Cessez-le-feu en Algérie
Mercredi 19 mars, la ville a honoré la mémoire des victimes de la guerre d’Algérie à l’occasion de la journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.
La cérémonie a débuté par un rassemblement devant la stèle du Souvenir, marqué par un dépôt de gerbes et la lecture du Manifeste de la FNACA. Puis, le cortège s’est dirigé vers le Monument aux Morts et à la Paix , où s’est déroulée la seconde partie de la commémoration.
Sous la conduite de Patrick Lot, adjoint au maire et maître de cérémonie, les participants ont rendu hommage aux disparus à travers des prises de parole et des poèmes récités par les élèves de l’École Marie Loizillon. Un moment d’émotion partagé avec les anciens combattants et les familles des victimes.
Des gerbes ont été déposées en mémoire des soldats tombés, et les discours (ci-dessous) de M. le Maire Serge De Carli (ainsi que de Michel Richard, président du Comité FNACA de Mont-Saint-Martin – Longlaville, ont souligné l’importance du devoir de mémoire et de la transmission de l’histoire aux générations futures. Au-delà du souvenir de la guerre d’Algérie, les prises de parole ont également évoqué les conflits actuels à travers le monde, mettant en lumière la complexité des positions et l’invariance des perceptions selon le côté où l’on se trouve. Des messages forts appelant à la paix, au dialogue et à la compréhension des tragédies humaines engendrées par la guerre.
En amont de cette commémoration, le vendredi 7 mars, un moment de recueillement a eu lieu sous la houlette de Patrick Lot. Un fleurissement au cimetière Saint-Éloi à Longlaville a permis d’honorer la mémoire de Roger Blaise et Joseph Rotondo, tombés en Algérie, ainsi que des soldats Robert Maiani et Nicolas Naddéo, dont les tombes et le carré militaire ont été fleuris en signe de respect et de souvenir.
Dicours de M. Serge De Carli
« Monsieur le Président des Anciens Combattants, mon cher Michel,
Messieurs les Porte-Drapeaux, Mesdames et Messieurs les membres de l’Harmonie Municipale « La Saint-Martinoise »,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis.
Aujourd’hui, devant l’Atome de la Paix, une nouvelle fois, en ce 19 mars, nous commémorons, ensemble, un épisode très douloureux de l’Histoire des relations entre la France et l’Algérie, nous commémorons huit années d’une guerre qui n’a jamais voulu dire son nom.
La guerre d’Algérie a blessé les deux rives de la Méditerranée. C’est la raison pour laquelle nous devons donc cet hommage à toutes ses victimes, tuées, blessées, déplacées, à toute une génération de femmes et d’hommes qui y ont sacrifié leur jeunesse.
Les accords signés à Evian, le 18 mars 1962, ont déterminé la « fin » des opérations militaires sur le territoire algérien à la date du 19 mars 1962 à midi. Ils furent approuvés – faut-il le rappeler ? – par le peuple français à plus de 90% lors du référendum du 8 avril 1962.
Cette date du 19 mars 1962 témoigne donc de la volonté de deux peuples de mettre fin au conflit. Au-delà des anciens combattants dont je salue la présence, cette date appartient aussi à notre histoire commune.
Le bilan de cette guerre fut terrible, bien trop
lourd : 25 000 militaires français tués, des disparus, 65 000 blessés, 152 000 morts dans le camp du F.L.N., 500 000 morts algériens civils et combattants d’après les recherches historiques, un million et demi de morts selon le gouvernement algérien.
Trois millions de personnes déplacées, 300 000 orphelins, 400 000 détenus, 300 000 réfugiés au Maroc ou en Tunisie… sans même évoquer les suites de ce conflit qui se poursuivit, ne l’oublions pas, jusqu’à la proclamation solennelle de l’indépendance de l’Algérie le 3 juillet 1962.
Appelés du contingent, militaires, harkis, membres des forces supplétives, ils ont tous répondu à l’appel de la Nation.
Tous ont servi la France dans l’un des moments les plus douloureux de son histoire.
Cette date du 19 mars doit célébrer la victoire de la paix, et nous nous devons d’honorer, avec la solennité et la dignité nécessaires, la mémoire de toutes les victimes de ce conflit.
Nous entendons tous poursuivre l’œuvre de réconciliation des mémoires, nous voulons construire un avenir de paix, de confiance et d’amitié avec nos voisins du Sud de la Méditerranée.
C’est de la réconciliation de ces mémoires plurielles, c’est de la reconnaissance des épreuves traversées par tous, que viendra l’apaisement entre ces deux pays que sont la France et l’Algérie.
Toute commémoration renforce les liens entre les générations, elle est propice à l’édification des consciences. Il est en effet toujours nécessaire de faire valoir avec objectivité les réalités d’une histoire complexe.
La guerre des mots est d’ailleurs révélatrice d’une posture, d’un côté comme de l’autre, qui ne cherche pas à comprendre, et qui n’aide sans doute pas à l’apaisement.
Plusieurs mémoires se heurtent : celle des pieds noirs, celle des harkis, celle des militaires Algériens, Français…
On parle de « guerre d’Algérie » pour les Français quand c’est une « guerre de libération » pour les Algériens. De même, les combattants algériens sont considérés comme « fellaghas » ou « terroristes » dans un camp, alors que l’autre les considère comme des « moudjahidines » ou des « martyrs » de la révolution. Le sort des harkis a longtemps été occulté côté français, alors que nombre d’Algériens les rangent au nombre des « collaborateurs ».
Nous avons du mal à solder nos comptes avec cette guerre.
Peut-être ne faut-il pas se limiter, lorsque l’on raconte l’histoire, à sa fin ? Car oui, le début de cette histoire nous éclaire sur ce qu’est une conquête coloniale.
Factuellement, la colonisation est un mot qui est lié à une expansion territoriale, toujours associée à l’occupation d’un espace, d’une terre étrangère, sa mise en culture pour en exploiter les richesses naturelles et humaines puis, à l’installation de colons. Acceptez le fait colonial, c’est accepter l’idée qu’un peuple puisse en dominer un autre.
On connaît le résultat de ce processus. Il aboutit inévitablement à la guerre engendrant son cortège de malheurs, de violence, de haine, de ressenti et de rancunes.
La source de ce conflit se trouve principalement dans la négation d’un principe qui concerne le monde entier. C’est l’égalité des droits violés. Le colonialisme ne civilise pas, il ensauvage.
Le camp de l’émancipation a pour devoir d’avoir une morale supérieure à celle du camp qui l’opprime. Cette résistance doit montrer qu’elle est capable de fraternité, qu’elle est capable d’avoir même l’objectif de libérer le peuple qui l’opprime.
Ces débats ont traversé le mouvement indépendantiste algérien quand il a été confronté à la violence de la répression française.
Il y a eu alors des attentats contre les civils et à ce moment-là, certains au sein du mouvement algérien s’en sont inquiétés en disant : « En faisant cela, cela aura des conséquences sur nous-mêmes » et, on le sait tous, le F.L.N. algérien a perdu sa pluralité. Les plus durs l’ont emporté jusqu’à assassiner la plus belle figure de cette histoire, Abane Ramdane, et à produire au final un régime de parti unique dont on voit les conséquences aujourd’hui par rapport au peuple Algérien lui-même.
Frantz Fanon le disait. L’auteur des « Damnés de la terre », dans ses réflexions sur la violence légitime du colonisé face au colonisateur, s’alarmait en disant que c’est une violence de nécessité et ça ne peut-être du tout une violence absolue. Et surtout, une violence qui doit avoir conscience de sa limite parce qu’elle est faite pour libérer. Elle n’est pas faite pour opprimer. Donc, elle n’est pas faite en l’occurrence pour tuer des civils.
La leçon du combat de l’A.N.C. en Afrique du Sud a illustré cela.
L’A.N.C. a commis dans les années 80 des massacres contre des civils. Elle a publié une autocritique et dans la foulée de cette autocritique, Mandela a mené son combat pour la nation arc-en-ciel. Pour dire qu’il n’était pas là pour chasser ceux qui l’avait opprimé, dans le régime d’Apartheid effroyable, mais, au contraire, pour les libérer d’eux-mêmes, pour les libérer de cette idéologie qui les enfermaient. C’est ce qu’il a défendu.
Le 19 mars 1962 marque la volonté commune de la république française et du gouvernement provisoire de la république algérienne de cesser les hostilités et d’engager nos deux pays dans une nouvelle voie, celle de la coopération dont nous sommes encore les acteurs. Ces accords constituaient un compromis politique, et non une défaite militaire. Le peuple français les approuvait très majoritairement.
Chers anciens combattants, vous représentez nos mémoires. Derrière chaque mémoire, n’oublions pas qu’il y a une famille, des survivants, des descendants.
Et je n’oublie aucune victime. Cette guerre a été un déchirement des peuples, des deux côtés de la Méditerranée.
Dans le monde actuel, il ne faut pas tomber dans le piège qui nous est tendu.
Celui de nous imposer et de nous entrainer dans une guerre des civilisations. Il nous faut défendre l’entraide profonde qui est plus forte que la force et que la puissance, qui a conscience de la fragilité du monde et de l’humanité.
Anatole France disait. « La paix universelle se réalisera un jour, non parce-que les hommes deviendront meilleurs, mais parce qu’un nouvel ordre, une science nouvelle, de nouvelles nécessités économiques leur imposeront l’Etat de paix ».
Aujourd’hui l’heure est au souvenir. Surtout, il est l’heure, plus que jamais, de promouvoir la paix entre les peuples.
Vive la République, vive la France, vive la paix. »
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